Victor Hugo


Hugo, Théâtre complet | 2021

Avec le soutien de la Région Occitanie

Création le 28 mai 2021 au Printemps des comédiens à Montpellier

Le 7 juin 2021 à la Butte du château de Pézenas

Avec le soutien de l’ENSAD de Montpellier et de la Région Occitanie

Mise en scène : Robert Cantarella
Dramaturgie : Stéphane Bouquet
Scénographie : Alix Boillot
Lumières : Philippe Gladieux
Production : Constance de Corbière / compagnie R&C
Avec Louise Arcangioli, Alice Fulcrand, Anaïs Gournay, Ivan Grevesse, Agathe Heidelberger, Mathilde Jarry, Aurélien Miclot, Harrison Mpaya, Maija Nousiainen, Léopold Pélagie, Maïka Radigales, Thomas Schneider

Notes de mise en scène

J’ai travaillé avec ce groupe d’actrices et d’acteurs pendant leurs études au Conservatoire de Montpellier. Cela arrive parfois, comme un coup de foudre entre une promotion et un moment de travail. C’est un événement qui passe souvent sous les repérages car il se cristallise pendant un atelier de transmission, il est un splendide passage, un peu de temps à l’état pur qui transporte sensualités et sens. Ce n’est pas si courant qu’une intensité soit continue, de plus en plus adéquate à un projet qui se constitue au fur et à mesure des journées de recherches, des essais. Une fois l’atelier terminé, le deuil est rapide, souvent précédé de promesses d’y revenir, puis la vie continue de part et d’autre. Les élèves vont vers d’autres ateliers, et nous, les intervenants comme on dit, nous gardons de la mémoire vive pendant un certain temps, parfois nous appliquons nos trouvailles dans les spectacles qui suivent.
Avec elles et eux, l’évènement devait se poursuivre. C’est un pacte entre nous : on se retrouvera. On se retrouve pour Hugo, Théâtre complet.

Hugo m’apparaît comme une ressource car on le site, le fait parler, le brandit comme une lanterne que l’on espère magique au moment où les ténèbres obscurcissent toutes figuration de notre avenir. Hugo l’a écrit. Misérable en banlieue, l’Homme qui rit devenant joker, lectures enflammées à l’assemblée nationale, théâtre emmêlant les genres, Hugo nous sert à comprendre ce qui nous arrive. Il est un infatigable croyant en l’homme et ses puissances augmentées à la condition d’être avec. Avec les autres, avec son temps, avec ses vertiges, avec l’amour surtout.

Voilà donc 12 jeunes personnes qui devront vivre et faire l’avenir du monde, ils en sont déjà les participants. 12 jeunes en colère car on ne leur promet que des fins de mondes, ou des obéissances policières, ou encore des fatalités irrémédiables. Elles et ils doivent reconstituer l’œuvre de Victor Hugo pour comprendre. Reconstituer c’est-à-dire remonter les pièces de l’œuvre éparpillées dans leur mémoire. Se souvenir d’une histoire, d’un détail, mais aussi d’une scène, d’une violence écrite, d’une douceur exquise. Elles et ils vont jouer à rassembler leurs souvenirs pour ne pas perdre la tête et oublier que Victor Hugo croyait dans la vertu de la parole, de la phrase, de la fiction, de la scansion et du verbe, en mots et en actes.

Hugo, Théâtre complet est le moment de cette reconstitution.
Robert Cantarella

Notes dramaturgiques

Pourquoi monter Victor Hugo aujourd’hui ?
Depuis que les conflits ébranlent en profondeur la société française, Hugo est un des écrivains les plus cités par le monde politique, toutes tendances confondues. Il est donc devenu un instrument de la rhétorique sociale en un temps où le théâtre l’a en revanche – et curieusement – plutôt abandonné.
Or Hugo est diablement intéressant, malgré le jugement négatif de Nietzsche: «ce qui frappe chez Victor Hugo, qui a l'ambition de vouloir passer pour un penseur : c'est l'absence de la pensée». Il arrive que Nietzche ait tort.

Hugo est intéressant parce ce qu’il dit, par les positions qu’il prend et qu’on pourrait qualifier d’humanisme intelligent, pathétique et vigoureux, plaidant la cause de toutes les marges. Son œuvre s’inscrit dans le souci constant de la foule, parce qu’au cœur de sa plus grande mystique poétique, rien n’est dissociable de la politique. Il porte donc en lui le bouillonnement de l’utopie: «Demain ne peut attendre» dit-il.
Mais Hugo est surtout et encore plus captivant par l’énergie qui traverse sa langue et qui est une énergie contemporaine: l’irrespect de l’alexandrin, la bizarrerie des rimes, le mélange du sublime et du grotesque, l’audace de l’humour parfois potache, la raillerie et le goût des sonorités étrangères etc. – tout cela produit une langue qui se défait sans arrêt des carcans de la forme – une langue en acte et en libération. Une langue en lutte. Une langue qui cherche ses muscles pour mener le combat.
Or la lutte est précisément ce que nous voudrions mettre en scène et en forme: Ce chantier de théâtre aura donc comme désir de capter l’énergie hugolienne pour créer des combats avec la langue, avec les corps et avec les idées. Combat est un mot un peu guerrier mais c’est sans doute le bon.

«L’énergie d’un côté, la douceur de l’autre ; voilà les deux armes que je veux mettre dans les mains de la République » écrit-il dans Choses vues.L’énergie, la douceur; la nuit, le jour; le sommet, la profondeur; le froid, le chaud; le bien, le mal; la belle, la bête – Hugo réduit volontiers son monde à ces grandes oppositions, ces grandes contradictions, ces antithèses presque homériques, qui lui permettent à la fois de simplifier et d’agrandir le champ de forces. Il y en a lui un homme de spectacle, qui adore faire des effets pour la beauté du spectacle bien sûr mais aussi parce que la lutte est selon lui la vérité de l’histoire et la meilleure façon d’avoir un impact sur les choses.
Notre idée est donc de saisir 12 jeunes acteurs au commencement de leur métier – qui travaillent non pas un texte de Hugo en particulier mais qui traversent son théâtre entier. Ils vont tisser ensemble des extraits, des bribes: retenant deux scènes de telle pièce, un monologue d’une autre, racontant une troisième à leur façon, proposant un condensé d’une quatrième, se souvenant seulement des déplacements des personnages dans une cinquième. Ils se serviront ainsi dans tout le théâtre – y compris dans les pièces très peu lues – pour construire une pièce-monstre qui fonctionne comme les facettes du cristal de l’œuvre et qui donne à voir ce qui nous semble être le cœur de la puissance hugolienne: la croyance.
Croyance en l’amour, en l’avenir ,en la lutte parce que c’est seulement en passant par l’effort que demande la croyance, effort qu’elle exige même, que nous pouvons atteindre au but qui est l’horizon heureux: «Nous allons à l'amour, au bien, à l'harmonie».
Notre idée est donc de faire en sorte que cette bande de jeunes acteurs – entrant dans le monde qui sera le leur – travaille à sa propre utopie. Cette troupe se réunira donc pour se souvenir ensemble du théâtre de Hugo parce que la mémoire peut aussi être une activité collective, doit être une création collective. On se souvient ensemble pour créer des façons de se projeter ensemble dans le futur, pour inventer ensemble le désir d’un avenir.

Il s’agit ainsi de figurer, assez littéralement, ce qui est le cœur de la pensée de Hugo: pour devenir citoyen, il faut prendre le pouvoir, pour prendre le pouvoir, il faut lutter, pour lutter, il faut «préparer ses armes». La bande d’acteurs préparera donc ses armes, déployant sa puissance de scène en scène, pour jouer ensemble à la société que Hugo rêve de fabriquer.
Stéphane Bouquet

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