Ingmar Bergman


Peinture sur Bois | 1980

J’ai découvert ce texte en voyant le film de Bergman le septième sceau. Je savais que le cinéaste était metteur en scène de théâtre et que ce film était titre d’une pièce. Je ne connaissais pas le théâtre ou peu. Le théâtre était plutôt un lieu de conventions, de normes, de codes. Je gobais le cinéma, tout le cinéma. J’ai aimé ce qu’aujourd’hui je peux nommer la théâtralité de ce film, à l’époque je me souviens surtout de vouloir faire le geste inverse de Bergman. Une prétention folle, mais je voulais rendre le texte à la scène. Et puis j’avais lu dans un théâtre public, la revue que je connaîtrais mieux plus tard, un article sur une mise en scène d’un montage de texte de Kafka par un metteur en scène à Strasbourg qui s’appelait André Engel. Il avait animé un hôtel. Les spectateurs arrivaient dans l’hôtel et puis allaient dans des chambres et il se passait des « choses ». Je voulais faire pareil. Je n’avais pas d’autres idées pour commencer. Je voulais représenter la mort en vraie, en chair et en os, à partir de l’occupation d’un bâtiment comme l’autre avait fait, là bas dans le haut à droite de la carte de France. J’animais des stages pour enfants et amateurs dans un théâtre qui s’appelait le théâtre de poche de Marseille à Bonneveine, un quartier près de la mer, pas loin de la Pointe rouge, où j’habiterai plus tard. Je faisais ça pour gagner ma vie. Le directeur m’aimait bien, il avait un côté ours et avait un joli sourire, ou plus exactement un début de fou rire. Il m’a dit - fait le dans le théâtre où tu veux. Et j’ai fait ça avec les amateurs de l’atelier (déjà) et des amis du conservatoire. C’était mon premier travail de scène entièrement réalisé tout seul. J’ai fait un concentré de toutes mes envies d’art. Un mélange d’idées comme une longue performance où les spectateurs se déplaçaient et suivaient les acteurs d’espace en espace, de pièce en pièce. Parfois le texte était écrit sur les murs, et parfois il était joué de façon très simpliste. La mort était une des jeunes élèves avec une autre femme, je crois. Elles suivaient les gens pendant le trajet. J’appliquais ce que je devinais de l’autre mise en scène. J’aime bien l’idée de faire à partir d’une impression. La mort était juste m’a dit le directeur, j’ai eu peur qu’elle me désigne, et puis on a pu connaître mon théâtre comme ça. J’étais vexé et en même temps fier de sentir que je voulais faire ça, tout le temps et qu’on pouvait faire ressentir des sentiments en préparant des signes à l’avance. Personne de ma famille n’est venu, mais je ne suis pas sûr de leur avoir dit que j’avais fait ça.