Heinrich von Kleist


Le prince de Hombourg | 2023

Création au théâtre Vidy Lausanne du 6 au 10 décembre 2023,
puis au Théâtre Saint-Gervais de Genève du 13 au 15 décembre 2023

Texte Heinrich von Kleist

Traduction et adaptation Stéphane Bouquet

Mise en scène Robert Cantarella

Avec Nicolas Maury, Charlotte Clamens, Christian Geoffroy Schittler, Jean-Louis Coulloc’h, Bénédicte Amsler Denogent, Martin Reinartz

Assistanat Anouk Werro

Scénographie Sylvie Kleiber

Lumière Philippe Gladieux

Musique Alexandre Meyer

Costumes Constance de Corbière / Nadine Moec

Régie Soleiman Chauchat

La veille d’une bataille, le Prince de Hombourg est en pleine crise de somnambulisme. Dans la confusion, il n’écoute pas les instructions, attendre le commandement du chef de l’armée pour attaquer. Alors il lance l’assaut, remporte la victoire, mais contre les ordres reçus. Devra-t-il payer de sa vie son indiscipline ? Par cette nouvelle création librement inspirée de la pièce de Kleist, le metteur en scène Robert Cantarella et l’auteur Stéphane Bouquet font résonner avec notre époque les errances, les lâchetés, mais aussi les exploits et les insoumissions du jeune Prince. Sur scène, une distribution d’exception, menée par une figure du cinéma, du théâtre et de la chanson, Nicolas Maury.

écriture et dramaturgie
Une des façons de lire la pièce de Kleist est d’y voir l’histoire d’un homme qui ne parvient pas, ou n’a pas le désir, d’être à la hauteur de son rôle. Il est le héros éponyme de la pièce mais étrangement il n’en est jamais le héros au sens classique du terme.
D’ailleurs, à la fin, ce n’est pas sur la clôture de son destin que se conclut la pièce. Il est pour ainsi dire laissé de côté pour que continue la guerre et l’Histoire.
Contrairement aux héros classiques, donc, il n’est pas l’origine de ses décisions, il n’est pas soumis à des dilemmes cornéliens ni à des décisions tragiques, mais il semble comme manipulé par le monde extérieur qui se joue de lui, et tire les fils de sa vie.
Si tous les autres personnages masculins de la pièce ont des arrière-pensées – Hohenzollern et l’Electeur en tête –, lui n’en a aucune. Il fait ce qu’il fait au moment où il le fait, sans toujours bien savoir ce qu’il fait. Sa façon d’être en quête d’une figure maternelle, en la personne de l’électrice est un autre signe qu’il n’a pas atteint l’âge d’être ce héros viril et indépendant, mais qu’il demeure ce perpétuel orphelin.
De même, le fait qu’il est prêt à sacrifier sans complexe son amour pour Natalie, et Natalie par la même occasion, pour garder la vie sauve ébrèche son statut d’amoureux sublime.
Le prince de Hombourg n’est pas non plus, il faut le dire, un anti-héros, puisqu’aussi bien il se lance dans la bataille de son propre fait, sans peur quoique non sans reproche, et l’emporte vaillamment. Il est donc parfois lâche, mais pas toujours.
Ce qu’est ce Prince, c’est plutôt une sorte de buée, un flou, une indécision, une façon de ne pas coïncider avec lui-même et avec son nom de Prince. Un dérangement de sa fonction et de son être, et par là même un dégenrement du théâtre héroïque. Il n’est pas si loin de ce point de vue-là d’un autre fameux Prince, celui-là du Danemark.
C’est dans cet écart que nous proposons de glisser des textes inédits, comme une façon d’opérer un va-et-vient entre la langue de Kleist et une écriture contemporaine.
Comme une façon aussi d’introduire un peu plus de jeu encore dans la pièce de Kleist, non pas qu’elle ne soit pas parfaite en elle-même, mais précisément pour pousser à son terme son fonctionnement arythmique et trouble dont Kleist joue volontiers, faisant se succéder des scènes si différentes dans leur principe et leur temporalité.
Nous voudrions investiguer de quoi sont faits les paysages intérieurs de certains personnages : l’Electrice, Natalie, le Prince.
Il ne s’agira pas de produire des textes explicatifs ou justificatifs – mais au contraire d’inventer à ces personnages des intériorités de la fuite, de l’errance, du départ, qui leur donnera, on l’espère, un statut étrange, et pas infidèle au désir profond de Kleist, lequel confie dans une lettre à Ulrike von Kleist, sa sœur, le 23 mars 1801, qu’il faut substituer à l’espoir de la connaissance un esprit de voyage perpétuel – qu’il ne faut pas chercher à savoir, car le savoir porte à la folie et éventuellement à la mort, mais aller voir ailleurs. Qu’il faut dériver.