Lars Norén
Sourires des mondes souterrains | 1992
Adaptation Gunilla Koch
Mise en scène Robert Cantarella
Assistantes Christine Hautecoeur, Sophie Duprez
Scénographie La Compagnie des Ours
Costumes Laurence Forbin
Lumières Jean-François Touchard
Son Frédéric Minière
Piano Joëlle Mandart
Avec Hélène Duc, Florence Giorgetti, Fabienne Luchetti, Jacques Mathou, Claude Perron
Entre réalisme et fantastique
Il y a une mise en jeu des rapports humains dans les pièces de Lars Norén. On oscille sans cesse entre le réalisme et le fantastique. Ce réalisme serait à la fois le cadre et le référent commun aux protagonistes. On pourrait dire que les "meubles" sont vrais. On reconnait les échanges et les valeurs qui circulent entre une mère et sa fille, entre un mari et sa femme, entre deux amies.
Mais cette réalité se dilate tout à coup (ce tout à coup est aussi abrupt qu'un lapsus), une parole, un mot entame la convention et quelque chose est dit qui aurait dû être tu. L'obscène est dans ce glissement qui nous fait entendre (plus qu'assister ; Lars Norén vient de la poésie) le secret tacite sur lequel repose la convention de l'échange humain bourgeois, fait de stratégie et de repli. Echange que le théâtre de boulevard a très souvent représenté. La dépression qui suit cet aveu est inattendue, saugrenue. La cure à haute voix emprunte les chemins hasardeux et burlesques du coq à l'âne, du ratage, de la saute d'images, du brouillage... Lars Norén qui pièce à pièce constitue son paysage mental, laisse aller le texte vers son destin. Dans le travail avec les acteurs, l'intensité demandée est terrible parce que chaque personnage se livre à un réglement de compte entre lui et lui, puis entre lui et les autres, toujours au plus près de la flamme. La parole est maîtresse, elle invente des situations et des rapports tragiques indépendants des personnages qui, une fois leurs désirs dits devant un autre, peuvent tomber sans fin jusqu'à un prochain texte.
Robert Cantarella